Julien Jaca

J’ai un énorme besoin de tenter, de risquer et de m’approprier de nouvelles choses, de nouvelles idées, de nouveaux médiums etc. Donc j’écoute ce besoin.

(Please find the english version below)
Je suis en échange avec l’artiste français Julien Jaca, né en 1985 à Toulouse, depuis plusieurs années déjà. Nous parlions depuis longtemps d’une interview commune, mais il manquait toujours la bonne occasion. Et cette occasion parfaite s’est finalement présentée: Julien expose en ce moment à Lyon, dans une duo-show avec l’incroyable Wes Lang, un artiste que j’ai toujours trouvé fascinant, qui est depuis longtemps un véritable modèle pour Julien et qui l’a profondément inspiré. Julien, qui a étudié à l’École des Beaux-Arts de Toulouse, a connu plusieurs évolutions passionnantes, et le style de son travail n’a cessé de se développer. Nous avons notamment parlé des influences qui ont nourri son parcours, de sa manière de travailler, des thèmes et esthétiques qui l’occupent, ainsi que d’une collaboration avec une marque que nous avions réalisée ensemble. Je suis vraiment ravi que Julien fasse désormais partie de la série Studio Talks — et, pour être honnête, un peu jaloux qu’il puisse vivre et travailler sur la magnifique côte atlantique.

Hey Julien, je suis vraiment ravie qu’on fasse enfin cette interview, après tout ce temps à échanger. Il se passe plein de choses excitantes pour toi en ce moment - notamment cette exposition en duo avec Wes Lang à la Gallery Masurel. À première vue, vos univers semblent faits pour dialoguer ensemble. Mais j’imagine qu’il y a une histoire derrière cette rencontre. Peux-tu nous raconter comment tout a commencé, et quels sont les thèmes que vous explorez dans cette exposition?

Salut Malte, je suis aussi ravi de faire enfin cette interview avec toi. Je te remercie de l’intérêt que tu portes à mon travail. Oui j’ai de belles actualités en ce moment, dont ce duo show avec Wes Lang qui me procure beaucoup de joie, d’excitation et de fierté. Alors je vais essayer de ne pas être trop long en racontant comment tout à commencé mais ça va être difficile haha. Déjà il faut savoir que je suis devenu instantanément un grand fan du travail de Wes Lang quand je l’ai découvert il y a plus de dix ans quand j’étais encore tatoueur. J’avais déjà un rêve à cette époque, de ne faire plus que peindre, mais il me paraissait impossible. Et quand j’ai découvert son travail c’est comme si j’avais devant les yeux exactement ce que je voulais produire, créer. Son univers était exactement ce que j’aimais et ce qui me passionnait, au détail et à la référence près (tatouage, art, chopper, rock, skull, vintage, bouddhisme, voitures américaines de collection, natifs américains, etc.).

Fin 2018 quand j’ai du arrêter le tatouage pour grosses difficultés personnelles, et que j’ai commencé à peindre pour m’en sortir, son travail a donc été naturellement une grosse inspiration, et sa carrière un modèle. En 2022 un collectionneur et ami de Wes Lang achète une de mes oeuvres de ma série de peintures de Pots, et connaissant mon immense intérêt pour le travail de Wes Lang me propose de me mettre en contact avec lui pour potentiellement visiter son studio à Los Angeles lors de mon voyage là-bas la même année. Je dois donc remercier ce collectionneur, nommé Carlos, sans qui cela n’aurait peut-être pas été possible. Du coup une fois à LA je contact Wes par whatsapp, et il me répond dans la minute qu’il n’y a pas de problème pour visiter son atelier. J’étais aux anges, et en même temps très intimidé. Le petit Frenchy qui s’est mis à peindre il y a 3 ans va rencontrer son idole haha. Wes m’a donc ouvert les portes de son immense studio. Avec ma femme nous sommes resté 1h30 avec lui. Il m’a fait le tour de ses dizaines de nouvelles peintures accrochées au mur en m’en expliquant certaines. J’étais subjugué de la taille du studio, de la quantité des peintures sur lesquelles il travaillait, de leur qualité en les voyant en vrai, de toute l’énergie et l’aura qui en ressortait. C’était incroyable. Il a pris du temps pour moi, a été très cool, et m’a aussi donné un très précieux conseil en tant qu’artiste pour ma carrière, qu’un de ses modèles lui avait donné à lui au début de la sienne. Et, rétrospectivement, je me rend compte que c’est ici, avec cette transmission de conseil entre générations d’artistes, que connecte notre duo show à venir avec le titre THE GOOD YOU DO WILL FOLLOW YOU.

Ensuite nous sommes resté en contact sans s’écrire très souvent. Et quand il a eu son immense exposition fin 2024 à Londres à la Newport Street Gallery, galerie de Damien Hirst, et chez Heni, j’ai dessuite booké un billet d’avion pour assister au vernissage. Nous nous sommes donc revu là-bas, et Wes a encore une fois été très cool avec moi.

Ensuite, en 2025, Jérémie de la Galerie Masurel à Lyon, avec qui j’avais déjà travaillé, me propose un duo show avec la possibilité de choisir le deuxième artiste (je le remercie infiniment pour ça). Je lui dis que dans mon rêve le plus fou ça serait extraordinaire de le faire avec Wes Lang, mais sans imaginer une seconde que ça serait possible. Ayant une relation cool par message avec Wes je tente quand-même un message en lui expliquant le projet, et contre toute attente Wes me répond « Julien, appelons-nous pour en parler ». Le lendemain nous nous sommes parlé au téléphone et Wes me dit qu’il veut le faire pour moi, pour me donner un coup de pouce, comme cet même artiste dont j’ai parlé plus haut avait fait pour lui au début de sa carrière. Il s’avère que j’aime aussi beaucoup le travail de cet artiste.

Et depuis ce coup de téléphone, le projet est lancé. Vous imaginez bien ma joie dans les jours qui ont suivi. Depuis Wes a été d’une grande générosité et flexibilité et d’un grand professionnalisme, d’autant plus que le timing était très serré, que la naissance de son deuxième enfant était imminente et qu’il avait quasi aux mêmes dates d’autres grosses actualités comme son duo show avec Eddie Martinez à Chicago. Je connais beaucoup d’artistes qui aurait refusé pour une seule de ces raisons. L’exposition, qui a pour titre THE GOOD YOU DO WILL FOLLOW YOU, relatant cette idée de transmettre quelque chose de bien qu’on a soi même reçu, est un dialogue entre nos deux pratiques. Comme dit le texte de l’exposition, elle explore une rencontre artistique et deux pratiques aujourd’hui différentes mais qui puise à la même source.

J’ai aussi remarqué que ton travail a beaucoup évolué au fil du temps. À tes débuts, tu peignais souvent des pots, des figures, des nus féminins, avec beaucoup de références à la pop culture et à l’esthétique biker. Je me souviens encore de ta série de vestes de clubs de motards dans l’exposition THE SUN NEVER SETS ON ME à la NBB Gallery à Berlin. Aujourd’hui, ta peinture est devenue plus abstraite, plus libre dans sa forme et sa langue visuelle. Qu’est-ce qui t’a poussé à faire évoluer ta pratique dans cette direction?

Ta remarque et ta question sont tout à fait juste. Je dirais, pour faire simple, que ma pratique évolue en même temps que mes goûts, et que mes goûts évoluent rapidement, en même temps que mes rencontres (humaines et picturales); que ça soit d’ailleurs en art comme en musique, cinéma, mode ou autre. Plus je découvre des choses et plus j’aime des choses différentes. J’aime des choses aujourd’hui que je n’aurais pas aimé il y a 5 ou 6 ans, parce que mon oeil et mon ressenti se font et se modèlent avec le temps, le travail, les expositions que je vais voir, les nombreux livres que j’achète etc. Mais tout ça me parait totalement naturel. Je ne vois pas comment une pratique artistique peut être identique à 10 ans d’intervalle alors que tu n’es pas la même personne.

“THE SUN NEVER SETS ON ME”, NBB Gallery Berlin, 2022

Du coup, en terme d’art et de pratique, plus je travaillais et plus je ressentais le besoin d’expérimenter des choses que je ne connaissais pas. Je pense vraiment être un expérimentateur, et je m’ennuie assez vite si je répète tout le temps la même chose. Je sais que le monde et le marché de l’art n’aiment pas trop ça, mais j’ai un énorme besoin de tenter, de risquer et de m’approprier de nouvelles choses, de nouvelles idées, de nouveaux médiums etc. Donc j’écoute ce besoin. Nous, artistes, nous sommes quand même là, à la base, pour produire et créer ce que nous ressentons, et non pour répéter une recette.

Et du coup, depuis quelques années, je suis fasciné par la peinture abstraite, l’énergie et la matérialité que ça en dégage, comme l’Expressionnisme Abstrait américain par exemple, Mark Rothko, Cy Twombly, Joan Mitchel ou encore Gerhard Richter (dont je viens de voir l’incroyable retrospective à Paris à la Fondation Louis Vuitton), Baselitz, et même des artistes actuels comme Sterling Ruby, Joe Bradley, Oscar Murillo, Eddie Martinez, Rachid Johnson, et d’autres.

Tu as étudié à l’École des Beaux-Arts de Toulouse, puis tu t’es consacré au tatouage avant de t’orienter vers les arts plastiques. Le tatouage joue-t-il encore un rôle pour toi? Est-ce une influence qui continue de traverser ton travail?

C’est ce que j’allais ajouter dans la question précédente, mais du coup ta nouvelle question tombe à pic. Bien que mes goûts et désirs de création évoluent, je reste très attaché à mes « racines » et mes premières découvertes artistique au sens large, comme le tatouage, la musique, le rock et toutes ses variantes jusqu’aux plus extrêmes, les choppers etc. Ce sont des choses qui composent qui je suis aujourd’hui. Et je crois que ce qui me fascine aujourd’hui et ce que j’aimerai arriver à élaborer, c’est un travail qui mixe ces racines et ces pérennes influences avec ces nouveaux goûts et désirs picturaux qui évoluent avec l’âge, le temps et les découvertes. C’est ce que j’ai tenté de commencer à faire avec cette nouvelle série que je montre dans cette exposition avec Wes Lang.

Je ne vois pas comment une pratique artistique peut être identique à 10 ans d’intervalle alors que tu n’es pas la même personne.
— Julien Jaca

Tu travailles maintenant depuis un moment dans ton nouvel atelier - comment est-ce d’y créer? Et plus largement, comment est la vie dans la région de Hossegor? C’est un lieu mythique pour le surf, avec une atmosphère très particulière. Est-ce que cet environnement influence ta peinture?

C’est génial de pouvoir travailler depuis 2 ans dans un atelier beaucoup plus grand. Cela change beaucoup de choses. En terme d’espace, de dimension des peintures, du nombre de peintures sur lesquelles je peux travailler en même temps, du recul sur le travail. Du coup cela pousse a plus d’expérimentation et tentatives. Je peux aussi avoir avec moi tous mes livres, les objets que je collectionne etc.. que j’aime avoir autour de moi quand je crée. Tout cela produit une atmosphère hautement plus propice à la création.

Et je crois que de vivre à Hossegor en tant qu’artiste, il s’agit aussi de ça, d’espace, physique et mental. Je ne pense pas que l’environnement en tant que tel influence ma pratique, comme le surf, les vagues, la forêt, la vibe un peu californienne etc, mais plus le fait de vivre et se déplacer dans un endroit calme et spacieux, avec beaucoup de nature, des grands espaces, de la place partout, les éléments naturels comme l’océan et les dunes de sable, et peu de monde. Tout ça agit sur le cerveau et donc sur la création, et l’ambition en terme créatif.
Cela me fait penser à Pierre Soulages qui a toujours préféré rester vivre à Sète dans le sud-est français au bord de la mer loin de tout tumulte alors qu’il aurait pu aisément vivre à Paris ou New York dans les épicentres artistiques.

Certes pour les contacts dans le milieu de l’art et les galeries ce n’est pas le mieux, mais pour la tranquillité d’esprit oui. Et j’y vois quelque chose de très bénéfique d’être réellement déconnecté de son milieu professionnel et des embuscades de la ville, pour sa vie quotidienne, surtout à l’âge ou en commence à fonder une famille et un foyer.

Tu es, tout comme moi, un passionné de running - j’imagine que courir le long de la côte doit être un vrai bonheur, non?

C’est pas commun et interessant de poser cette question dans une interview destinée plutôt à l’art. Et figure toi qu’elle fait sens parce que j’ai commencé le running en même temps que la peinture il y a environ 7 ans, après avoir arrêté le tatouage. Au départ, tout comme la peinture, c’était comme thérapeutique, mais aujourd’hui c’est quelque chose dont je ne peux plus me passer. C’est vraiment devenu une hygiène de vie. Je cours 2/3 fois par semaine sans interruption et c’est vraiment une grande chance de pouvoir le faire le long de l’océan, ou dans nos forêts sableuses, ou même dans les montagne verdoyantes du Pays-Basque juste à coté. Il y a quelque chose d’assez méditatif, en plus de faire du bien au corps; et beaucoup d’idées de peinture murissent quand je regarde des choses et éclosent quand je cours.

Tu as eu 40 ans cette année (je sais très bien ce que ça fait, haha), et tu es devenu père. Comment la paternité a-t-elle changé ta vie, ton rythme, ton rapport à la création?

Oui j’ai eu 40 ans cette année, mais je suis devenu père à 38 ans.
Comme tout le monde le sait, devenir parent change énormément la vie. Même si c’est difficile à des moments biensure, pour ma part j’ai ressenti que devenir père d’une petite fille (que j’ai tant rêvé) à rajouté de la poésie à ma vie. La relation entre un père et une fille m’a toujours provoqué beaucoup d’émotions, je ne saurais pas vraiment dire pourquoi. Et c’est comme si la fierté avait fait une bascule: apparement tout ce qu’on fait dans la vie c’est, au final, pour rendre fier ses parents. Et bien une fois que tu as un enfant il me semble que c’est pour le rendre fier lui. En tout cas je pense beaucoup à ça quand je peins, à ce qu’elle en verra quand elle sera adulte, ce qu’elle en pensera etc. Et outre ce coté émotionnel, être parent m’a apporté plus de discipline dans le rythme de travail. Tu cale ta semaine sur son rythme, donc tes horaires sont plus précises et tes moments de travail plus planifiés. Et pour un artiste c’est peut-être pas plus mal haha.

Il y a quelque temps, je t’avais proposé de concevoir le logo d’Acqua Reaper, une marque d’eau minérale allemande - et ce logo figure maintenant sur toutes les canettes ! J’adore repenser à cette collaboration à chaque fois que j’en bois une. Comment as-tu vécu cette expérience? Et plus généralement, quel est ton rapport aux collaborations avec des marques? En fais-tu souvent?

J’ai adoré faire cette collaboration pour Acqua Reaper, surtout qu’il m’a été demandé de créer un design à partir d’un reaper (faucheuse), motif que j’affectionne tout particulièrement depuis que je suis jeune et quand j’étais tatoueur. Et je t’avoue que des collaborations avec des marques est quelque chose que j’aime vraiment faire. Surtout si c’est des marques que j’affectionne comme par exemple des marques de vêtement que j’aime porter etc. On m’en propose assez régulièrement. Des fois je refuse quand l’identité de la marque n’est pas du tout dans mon univers, mais la plupart du temps c’est assez bien ciblé. J’aime faire ça parce que ça me donne l’opportunité de diversifier ma création. Dans mon rêve le plus fou, j’aimerai pouvoir me dédoubler (ou avoir une équipe qui travaille avec moi), pour créer toutes sortes de choses en parallèle de mon travail en art. J’adorerai monter une marque de vêtement typiquement dans le style que j’aime porter, mais j’aimerai aussi faire des objets de design, des céramiques etc…Mais pour l’instant je n’ai pas le temps, ou les moyens d’avoir une équipe. Du coup collaborer avec des marques me comble un peu à ce niveau là. Et même en tant que client j’adore voir comment un artiste dérive son art dans un autre domaine ou sur un autre support; par exemple la collaboration qu’a fait Wes Lang avec la marque de luxe Amiri, ou Josh Smith avec Givenchy.

Pour ma part j’ai une collaboration dont je suis particulièrement fier qui sort en 2026. C’est une série de grands tapis haut de gamme produits avec Dinodo Studio sur laquelle nous travaillons depuis plus d’un an. Le produit final est extraordinaire, j’ai vraiment hâte de le présenter au public. Un événement pour la sortie est prévu à Anvers (Antwerp) à la Galerie Hioco Delany vers fin mars / début avril de l’année prochaine.
Et pour le coup cette collaboration me comble bien sur le fait d’avoir envie de créer des objets de design.

J’ai aussi une collaboration en pour-parler avec une marque de vêtement. Si ça se fait c’est génial parce que je suis un immense fan de la marque, je la porte beaucoup, et l’un des fondateur est un acteur hollywoodien, donc c’est toujours hyper interessant de rencontrer ce genre de personne créative.

Peux-tu nous parler un peu de ton processus de création? Comment travailles-tu concrètement - quels matériaux utilises-tu, quelle est ta démarche?

Alors ce sujet peut-être vraiment long à developper, donc je vais me cantonner à ma série actuelle que je montre dans ma nouvelle exposition avec Wes Lang. Du coup en ce moment je travaille sur des grandes toiles abstraites, à la peinture à l’huile. En même temps qu’avoir pris encore une fois un petit tournant dans ma pratique -même si j’y vois une connexion niveau formelle avec ma série de Dripping Flowers avec le travail de coulures (dripping and pouring)- j’ai aussi opéré un gros changement avec le médium. Depuis le début de ma carrière j’ai, certes, expérimenté beaucoup de médiums (acrylique, résine, collage, plâtre etc), mais il y avait une prédominance pour l’acrylique en peinture. Et pour cette nouvelle série ou j’ai enfin assumé vouloir plonger dans l’abstrait, j’ai aussi eu envie d’expérimenter la peinture à l’huile, qui a toujours été un espèce de mystère ou de graal pour moi. Mais par contre je ne l’utilise pas de manière standard. Je la dilue énormément avec des litres d’essence de térébenthine, ce qui donne une peinture très très liquide avec des propriété de transparence. Et je déverse ce mélange à partir de petits seaux directement sur la toile. Du coup, en opposition à ma série de Dripping Flowers qui était faite avec d’énormes pinceaux fixés au bout de grands manches, ici il n’y a plus du tout d’utilisation de pinceau. J’aime cette idée d’une peinture abstraite faite sans pinceau, sans avoir touché la toile. J’y vois quelque chose de résolument moderne, si on considère que le pinceau est le plus vieil outil employé dans les beaux-arts.

“BLOSSOM OF A LOST WORLD”, Pulpo Gallery, Murnau, 2025

Et j’ai aussi ressenti un lien nouveau entre deux choses avec ce travail actuel: premièrement j’ai toujours peins avec beaucoup de matière et texture, dans toutes mes séries précédentes. J’en faisait presque une fixette à des moments. Il fallait que ma toile ait énormément de texture (je pense que cela vient de mon attrait aux matières). Et en parallèle de ça, par exemple pour ma série de Dripping Flowers, l’élaboration était une lutte. Je repassais de multiple fois, avec des gestes brusques, effrénés, recouvrait la totalité parfois pour recommencer par dessus etc jusqu’à être entièrement satisfait du résultat. C’était vraiment comme un combat. Ici, dans ce nouveau travail c’est tout l’inverse. Je déverse tout doucement la peinture à l’huile liquide, et je laisse faire le hasard et la gravité. C’est quasi méditatif. Et la transparence finale peut mettre plusieurs dizaines de minutes à se dévoiler, donc je m’assoie en face et observe. Je ressens un grand calme à travailler comme ça. Et au début, il me manquait un aspect texture ou matière sur la toile. Mais en fait plus je travaille cette série et plus je ressens un lien entre cette planéité de la toile sans texture avec ce calme et ce zen qu’elle procure à être créée. Et à un moment j’ai même ressenti un genre de rejet ou désir d’opposition à voir beaucoup de jeunes artistes d’aujourd’hui faire une fixette sur la texture, avant même le propos du travail. Comme si plus il y avait de texture, plus le travail est réussi. La visite d’exposition, donc de voir des travaux d’artistes en vrai, comme la retrospective de Rothko à Paris l’année dernière m’ont complètement décomplexé sur cette relation entre texture (relief) et peinture.

Par contre, pour finir sur mon procédé sur ce nouveau travail, j’ai quand-même  trouver une solution pour satisfaire mon amour pour les matières. Trouvant les cartons, qui protègent le sol de ces multiples couches de coulures de peintures liquides, très interessant, j’ai commencé à les découper et les placer sur la toile, tel la pratique du collage. Et j’ai dessuite aimé le contraste que ça provoquait entre la texture douce transparente de la peinture à l’huile et la matérialité du carton recouvert de multiples couches de peintures. Et pour les prochaines toiles de cette série, j’ai pour idée de faire ça avec d’autres matières comme des tissus, du cuir, du caoutchouc etc…

Nous, artistes, nous sommes quand même là, à la base, pour produire et créer ce que nous ressentons, et non pour répéter une recette.
— Julien Jaca

Quelle place accordes-tu au hasard dans ton travail? Arrives-tu encore à te surprendre toi-même en peignant?

J’ai donc un peu parlé de ça dans la question précédente pour mon travail actuel, mais le hasard a une grande part dans mon travail depuis le début. Je crois que je suis addicte à cet effet de surprise qu’on peut ressentir en créant une peinture sans tout maitriser. Et je n’ai jamais l’image finale en tête quand je commence une peinture.
Par exemple c’était déjà le cas dans ma série de peinture de Pots. La matière du pot était faite avec une recette que j’avais déjà trouvé par erreur (sérendipité), et que j’ai gardé pour donner cet effet de craquelure. Je déposais donc cette peinture très épaisse sur la toile et je devais attendre  deux ou trois jours pour que ça sèche et produise des craquelures. Mais du coup selon les dosages dans ma recette, le climat, l’humidité de la pièce etc ça ne donnait jamais la même chose. Parfois les craquelures étaient épaisses et peu nombreuses, parfois très fines et sur toute la surface etc… Je me rappelle avoir très hâte d’aller voir l’atelier au matin dès le réveil pour voir ce que ça avait donné.

Et finalement pour ma série de Dripping Flowers le hasard était très présent aussi. Un peu de la même manière je diluais une peinture acrylique avec plus ou moins d’eau pour peindre ces grosses fleurs qui allaient ensuite directement produire des coulures et giclures en dessous d’elles. Du coup selon la viscosité et mon geste les coulures pouvaient être complètement différentes d’un tableau à l’autre. Et cette série, comme celle sur laquelle je travaille actuellement, ne comprennent aucun croquis préparatoire. J’attaque directement la toile blanche en face de moi. Cela m’éloigne encore plus d’une présupposée idée de l’image finale.

Quels artistes t’ont le plus influencé au fil des années ? Et lesquels te semblent aujourd’hui particulièrement inspirants?

Dans les grands maîtres je pense être rentré dans la peinture avec des peintres comme Matisse, Gaugain et Van Gogh. Mais très vite j’ai été fasciné par les Expressionnistes abstraits et des artistes comme Cy Twombly ou Robert Rauschenberg. De manière plus récente, comme je l’ai dit plus haut, Wes Lang a été une immense inspiration et influence, de par le lien pour moi qu’il faisait entre l’iconographie du tatouage et tout ce que j’aimais, et l’art. Il a été de loin la plus importante pendant des années, d’ou cet immense honneur de faire cette exposition en duo avec lui. À mes débuts j’ai aussi adoré le travail du peintre comme Danny Fox, qui pour moi est toujours le meilleur dans cette tendance actuelle de peinture naïve figurative, dans laquelle tant de jeunes artistes se situent aujourd’hui.

Il y a aussi un grand artiste vivant qui m’inspire depuis le début, c’est Richard Prince. La diversité et singularité de son travail, qui peut même parfois donner l’impression que c’est fait par différents artistes, m’a toujours fasciné et même rassuré dans ma pratique personnelle,  ainsi que son humour et sa pertinence, comme s’il était la preuve qu’on peut avoir une carrière et un travail cohérent tout en expérimentant de multiples pistes, médiums et idées. Et, tout comme moi, il est un amoureux et collectionneur de livres et d’écrits. Et d’autres, tout aussi singuliers, comme Mike Kelley, Paul McCarthy, et David Hammons m’inspirent énormément. Mais niveau pictural aujourd’hui le travail d’artistes comme Sterling Ruby, Joe Bradley, Chris Martin ou plus jeunes comme Reginald Sylvester II ou Daisy Parris, et des sculpteurs comme Huma Bhabha et Thomas Houseago me semble particulièrement pertinent.

Mais je t’avoue qu’il est difficile d’en faire une liste exhaustive, tant il y en a que je trouve interessants, et tant cela varie selon les périodes de ma vie. En tout cas, quand un artiste me fascine, j’essaye de tout comprendre sur son travail, j’achète beaucoup de livres à son sujet, mais pas seulement illustrés, des écrits aussi, et je m’y penche pendant des semaines comme un étudiant en art.

Tu écoutes de la musique quand tu peins? Si oui, qu’est-ce qui tourne en boucle dans ton atelier en ce moment?

J’écoute énormément de musique quand je travaille, et de beaucoup de styles totalement différents même si mon background est plus le rock et toutes les sous-branches. Et pour tout te dire je pense que c’est ma première passion. Plus jeune mon rêve c’était d’être musicien dans un groupe, et que ma vie soit faite de tournées dans le monde entier avec mes 4 ou 5 meilleurs amis.

Mais pour répondre à ta question, en ce moment dans mon atelier ce qui tourne c’est le nouvel album de Deftones ou le dernier Tunrstile en terme de musique saturée, mais aussi des choses comme Oklou en pop contemporaine, et Kelly Lee Owens en musique électronique. Mais je peux aussi écouter de la musique classique, et j’ai remarqué que je commence la journée avec de la musique plutôt calme ou même des podcasts, et les choses deviennent de plus en plus extrêmes en s’approchant du soir.

Et enfin - à part l’exposition avec Wes - quels sont tes projets à venir?

Alors oui fin novembre 2025 j’ai l’exposition avec Wes Lang en France.
Ensuite je montre 2 peintures à la foire Art Antwerp en Belgique avec la Galerie Hioco Delany, avec laquelle je fais un Group show en Mai 2026. Et sinon j’avais un solo prévue pour février 2026 à Los Angeles mais qui a été décalé à 2027.

Et sinon l’année prochaine, en plus de la sortie des tapis dont j’ai parlé plus haut, j’ai 2 expositions institutionnelles. La première est un solo dans un petit musée de ma région au début de l’été, donc je suis ravi parce que je n’ai encore pas trop montré mon travail là où je vis. Et la deuxième est en Septembre 2026, au Moya Museum aux Pays-Bas, en duo avec mon ami Bobeus.

Ça a l’air super, je suis impatiente de voir ce que l’avenir te réserve. Merci infiniment pour cet échange, Julien!

Photo Credits: Yentl Touboul

Photo Credits: Yentl Touboul

I’ve been in touch with French artist Julien Jaca, born in 1985 in Toulouse, for several years now. We had been talking about doing an interview together for quite some time, but the right occasion never quite came up. That perfect moment finally arrived: Julien is currently presenting a duo show in Lyon together with the incredible Wes Lang — an artist I’ve always found fascinating, who has long been an idol for Julien and a major source of inspiration for him. Julien, who studied at the École des Beaux-Arts de Toulouse, has gone through several exciting phases in his development, and the style of his work has evolved continuously. We talked about the factors that have shaped him, how he works, the themes and aesthetics that drive him, and even about a brand collaboration we once created together. I’m truly delighted that Julien is now part of the Studio Talks series — and, to be honest, a bit jealous that he gets to live and work on the beautiful Atlantic coast.

Hey Julien, I’m really happy we’re finally doing this interview, after all this time exchanging messages. There are so many exciting things happening for you right now – especially this duo show with Wes Lang at Gallery Masurel. At first glance, your worlds feel made to speak to each other. But I imagine there’s a story behind this encounter. Can you tell us how it all began, and what themes you explore in this exhibition?

Hi Malte, I’m also really happy we’re finally doing this interview. Thanks for your interest in my work. Yes, a lot of great things are happening for me right now, including this duo show with Wes Lang, which brings me a lot of joy, excitement, and pride. So I’ll try not to make the story too long about how it all started, though that’s going to be difficult haha.

First, you should know that I instantly became a huge fan of Wes Lang’s work when I discovered it more than ten years ago, back when I was still tattooing. I already had a dream at that time – to paint full-time – but it felt impossible. And when I discovered his work, it felt like I was looking at exactly what I wanted to create. His universe matched everything I loved and was passionate about, down to the details and references (tattooing, art, choppers, rock, skulls, vintage, Buddhism, classic American cars, Native Americans, etc.). At the end of 2018, when I had to stop tattooing due to serious personal difficulties and started painting to get through it, his work naturally became a major inspiration, and his career a model. In 2022 a collector and friend of Wes Lang bought one of my pieces from my Pot series, and knowing my huge admiration for Wes’s work, he offered to put me in touch with him so I could potentially visit his studio in Los Angeles during my trip that same year. So I have to thank this collector, named Carlos, without whom this might never have happened.

So once in LA, I messaged Wes on WhatsApp, and he replied within a minute saying it was no problem to visit his studio. I was over the moon, and also very intimidated. The little Frenchy who started painting only three years earlier was about to meet his idol, haha.

Wes opened the doors of his huge studio for me. My wife and I stayed with him for an hour and a half. He walked me through dozens of new paintings hanging on the walls and explained some of them to me. I was blown away by the size of the studio, the number of works he was actively making, their quality in person, all the energy and aura they radiated. It was incredible. He took time for me, was super cool, and even gave me a very precious piece of advice – something an artist he looked up to had told him early in his career. And looking back, I realize that this transmission of advice from one generation of artists to another is exactly what connects our duo show with its title, THE GOOD YOU DO WILL FOLLOW YOU.

After that, we stayed in touch, though we didn’t write very often. And when he had his huge exhibition at the end of 2024 in London at Newport Street Gallery, Damien Hirst’s gallery, and at Heni, I immediately booked a plane ticket for the opening. We saw each other again there, and once more Wes was incredibly cool with me.

Then in 2025, Jérémie from Galerie Masurel in Lyon – whom I had already worked with – offered me a duo show and gave me the possibility to choose the second artist (I’m endlessly grateful for that). I told him that in my wildest dream, doing it with Wes Lang would be extraordinary, though I didn’t imagine for a second it could actually happen. Since I had a friendly rapport with Wes over messages, I thought I might as well try, so I sent him a text explaining the project. And against all expectations, Wes replied: “Julien, let’s talk on the phone about it.” The next day we spoke, and Wes told me he wanted to do it for me – to give me a boost – just like that artist I mentioned earlier had done for him early in his career. It just so happens that I also really love that artist’s work.

And ever since that phone call, the project was on. You can imagine my joy in the days that followed. Since then, Wes has been incredibly generous, flexible, and professional, especially considering how tight the timing was, that the birth of his second child was imminent, and that he had major events happening at the same time, like his duo show with Eddie Martinez in Chicago. I know many artists who would have declined for any one of these reasons.

The exhibition, titled THE GOOD YOU DO WILL FOLLOW YOU, echoes this idea of passing on something good that you yourself have received – and it creates a dialogue between our two practices. As the exhibition text says, it explores an artistic encounter and two practices that differ today, yet draw from the same source.

I’ve also noticed that your work has evolved a lot over time. In your early days, you often painted pots, figures, female nudes, with lots of references to pop culture and biker aesthetics. I still remember your series of biker club jackets from the exhibition THE SUN NEVER SETS ON ME at NBB Gallery in Berlin. Today your painting has become more abstract, freer in form and visual language. What pushed you to develop your practice in that direction?

Your observation and question are absolutely right. I’d say, simply put, that my practice evolves along with my tastes – and my tastes evolve quickly, shaped by encounters (human and pictorial), whether in art, music, cinema, fashion, or anything else. The more I discover, the more I grow to love different things.

There are things I love today that I wouldn’t have liked five or six years ago, because the eye and the emotional response are shaped over time, through work, exhibitions, the many books I buy, etc. It all feels completely natural to me. I don’t see how an artistic practice could remain identical after ten years when you yourself are not the same person.

So, as I worked more, I felt a growing need to experiment with things I didn’t know. I truly think I’m an experimenter and I get bored pretty quickly if I repeat the same thing over and over. I know the art world and the art market don’t really like that, but I have a huge need to try, to take risks, to make new things my own – new ideas, new mediums, etc. So I follow that need. As artists, we’re here to produce and create what we feel, not to repeat a recipe.

And for a few years now, I’ve been fascinated by abstract painting, by the energy and materiality it releases, like American Abstract Expressionism for example: Mark Rothko, Cy Twombly, Joan Mitchell, or Gerhard Richter (I just saw his incredible retrospective in Paris at the Fondation Louis Vuitton), Baselitz, and even contemporary artists like Sterling Ruby, Joe Bradley, Oscar Murillo, Eddie Martinez, Rashid Johnson, and others.

You studied at the École des Beaux-Arts in Toulouse, then devoted yourself to tattooing before turning to visual arts. Does tattooing still play a role for you? Is it an influence that continues to run through your work?

That’s exactly what I was about to add in the previous question, so your next question comes at the perfect moment. Even though my tastes and creative desires evolve, I remain very attached to my “roots” and my first artistic discoveries in a broad sense – like tattooing, music, rock and all its extreme variants, choppers, etc. These things make up who I am today. And I think what fascinates me now – and what I’d love to develop – is a body of work that mixes these deeply rooted influences with the new pictorial desires that evolve with age, time, and discovery. That’s what I tried to start doing with this new series that I’m showing in the exhibition with Wes Lang.

You’ve been working for a while now in your new studio – what is it like to create there? And more broadly, what is life like in the Hossegor area? It’s such a mythical place for surfing, with a very particular atmosphere. Does this environment influence your painting?

It’s amazing to be able to work in a much larger studio for the past two years. It changes a lot of things: the space, the size of the works, the number of paintings I can work on at the same time, the distance I can take from the work. It pushes me into more experimentation and attempts. I can also have all my books around me, the objects I collect, etc., which I love having close when I create. All this creates an atmosphere far more conducive to creation.

And I think that living in Hossegor as an artist is really about that too – space, both physical and mental.
I don’t think the environment itself influences my practice – not the surf, waves, forest, or the slightly Californian vibe – but rather the fact of living and moving around in a calm, spacious place, with lots of nature, huge open areas, the ocean, the sand dunes, and not many people. All of this affects your mind, and therefore your creation and your creative ambition. It reminds me of Pierre Soulages, who always preferred living in Sète by the sea, far from all the tumult, even though he could have easily lived in Paris or New York at the artistic epicenters.

Sure, for art-world connections and galleries it’s not ideal – but for peace of mind, yes. And I find it really beneficial to be genuinely disconnected from your professional world and from the ambushes of the city, especially when you’re at the stage of building a family and a home.

You’re, just like me, passionate about running. I imagine running along the coast must be pure bliss, right?

That’s not a common question in an interview about art and an interesting one. And guess what: it actually makes total sense because I started running at the same time I started painting, about seven years ago, after stopping tattooing. At the beginning, just like painting, it felt therapeutic, but now it’s something I can’t live without. It’s really become a lifestyle. I run two or three times a week without interruption, and it’s such a privilege to do it along the ocean, or in our sandy forests, or even in the lush Basque mountains right next door.

There’s something quite meditative about it, on top of being good for the body, and a lot of painting ideas develop when I observe things, and then they unfold while I run.

You turned 40 this year (I know very well what that feels like haha), and you became a father. How has fatherhood changed your life, your rhythm, and your relationship to creation?

Yes, I turned 40 this year, but I became a father at 38. As everyone knows, becoming a parent changes life enormously. Even though there are hard moments, of course, for me becoming the father of a little girl (which I had always dreamed of) added poetry to my life. The relationship between a father and daughter has always moved me deeply – I couldn’t really explain why.

And it’s as if pride shifts: apparently everything we do in life is, in the end, to make our parents proud. But once you have a child, it feels like it’s about making them proud. At least, I think about that a lot when I paint, what she’ll see when she’s an adult, what she’ll think of it, etc.

And beyond that emotional aspect, being a parent gave me more discipline in my work rhythm. You adjust your week to your child’s rhythm – so your schedule becomes more precise, and your work time more planned. And honestly, for an artist, that’s maybe not such a bad thing haha.

Some time ago I asked you to design the logo for Acqua Reaper, a German water brand, and that logo is now on all their cans. I love thinking back to that collaboration every time I drink one. How did you experience that project? And more broadly, what is your relationship to collaborating with brands? Do you do that often?

I loved doing that collaboration for Acqua Reaper, especially since they asked me to create a design based on a reaper, a motif I’ve always loved since I was young and when I was tattooing. And I’ll admit, doing collaborations with brands is something I really enjoy. Especially if they’re brands I genuinely like – for  example clothing brands I actually wear. I get proposals quite regularly. Sometimes I refuse when the brand’s identity doesn’t fit my universe at all, but most of the time the targeting is pretty good.

I like doing this because it gives me the opportunity to diversify my creation. In my wildest dream, I’d love to duplicate myself (or have a team working with me) so I could create all sorts of things alongside my art practice. I would love to launch a clothing brand exactly in the style I like to wear, but I’d also love to make design objects, ceramics, etc… But for now, I don’t have the time or the means to have a team. So collaborating with brands fulfills that need for me in a way.

And even as a consumer I love seeing how an artist translates their art into another field or onto another medium, for example Wes Lang’s collaboration with luxury brand Amiri, or Josh Smith with Givenchy. As for me, I have a collaboration I’m particularly proud of coming out in 2026. It’s a series of high-end large rugs produced with Dinodo Studio, and we’ve been working on it for more than a year. The final product is incredible. I can’t wait to show it to the public. An event for the release is planned in Antwerp at Galerie Hioco Delany around late March / early April next year. And this collaboration really fulfills my desire to create design objects. I also have another one in discussion with a clothing brand. If it happens, it’ll be amazing because I’m a huge fan of that brand, I wear it a lot, and one of the founders is a Hollywood actor, so it’s always super interesting to meet that kind of creative person.

Can you tell us a bit about your creative process? How do you work concretely – what materials do you use, what’s your approach?

This topic could be really long to develop, so I’ll focus on my current series, the one I’m showing in my new exhibition with Wes Lang. Right now I’m working on large abstract canvases in oil paint. At the same time as taking another small turn in my practice – even though I see a formal connection with my Dripping Flowers series through the dripping and pouring – I also made a major shift in medium. Since the beginning of my career, I’ve experimented with many mediums (acrylic, resin, collage, plaster, etc.), but acrylic was predominant in my painting.

For this new series, where I finally fully embraced diving into abstraction, I also wanted to experiment with oil paint, which has always been a kind of mystery or holy grail to me. But I don’t use it in the standard way. I dilute it massively with liters of turpentine, which creates a very, very liquid paint with transparent properties. And I pour this mixture directly onto the canvas from small buckets. So, in contrast to my Dripping Flowers series, which was made using huge brushes fixed onto long poles, here there’s no brush at all. I love the idea of an abstract painting made without a brush, without ever touching the canvas. To me there’s something resolutely modern in that, considering the brush is the oldest tool in fine arts.

And with this new work, I felt a new relationship forming between two things: first, I’ve always painted with a lot of material and texture in all my previous series. At times it was almost an obsession – my canvas had to have a lot of texture (I think this comes from my attraction to materials). And in parallel, for example with my Dripping Flowers series, the process was a struggle. I would rework the surface multiple times, with brisk, frantic gestures, sometimes covering everything entirely and starting again, until I was fully satisfied. It was really like a fight.

Here, with this new work, it’s the complete opposite. I pour the liquid oil paint very slowly and let chance and gravity do their thing. It’s almost meditative. And the final transparency takes several minutes to reveal itself – so I sit in front of it and watch. I feel a deep calm working this way. At first, I missed having texture or material on the canvas. But the more I work on this series, the more I sense a link between this flatness of the canvas — without relief — and the calm and zen that comes from creating it. And at one point, I even felt a kind of rejection or counter-desire when I saw many young artists today obsessing over texture before even thinking about the concept of the work, as if more texture automatically meant better painting. Seeing exhibitions in person, like the Rothko retrospective in Paris last year, completely freed me from that old relationship between relief and painting.

However, to finish explaining this process, I still found a way to satisfy my love for materials. I found the cardboard sheets protecting the floor from all these layers of liquid paint drips really interesting. So I started cutting them and placing them on the canvas, like collage. And I immediately loved the contrast between the soft transparency of the oil paint and the materiality of cardboard covered in multiple paint layers. For the next canvases of this series, I plan to do the same with other materials like fabric, leather, rubber, etc.

What role does chance play in your work? Do you still manage to surprise yourself when painting?

I already mentioned this a bit in the previous question about my current series, but chance has played a big part in my work from the beginning. I think I’m addicted to the feeling of surprise you get when creating a painting without controlling everything. And I never have a final image in mind when I start a piece.

For example, that was already the case in my Pot series. The texture of the pot came from a recipe I had discovered by mistake (serendipity) and kept using to get that crackled effect. I would apply this very thick paint to the canvas and then wait two or three days for it to dry and crack. But depending on the proportions in my recipe, the climate, the humidity of the room, etc., it would never look the same. Sometimes the cracks were thick and few, sometimes very fine and covering the whole surface… I remember being excited every morning to go check how it turned out.

And in my Dripping Flowers series, chance was also very present. In a similar way, I diluted acrylic paint with more or less water to paint these big flowers that would immediately create drips and splashes beneath them. So depending on the viscosity and my gesture, the drips could be completely different from one painting to another. And like the current series, there were no preparatory sketches – I attack the blank canvas directly. That removes me even further from any preconceived final image.

Which artists have influenced you the most over the years? And which ones feel particularly inspiring to you today?

Among the great masters, I think I entered painting through artists like Matisse, Gauguin, and Van Gogh. But very quickly I became fascinated by the Abstract Expressionists and artists like Cy Twombly and Robert Rauschenberg. More recently, as I mentioned earlier, Wes Lang was a huge inspiration and influence – because of the link he created between tattoo iconography, everything I loved, and art. For years he was by far the biggest influence; hence this tremendous honor of doing a duo show with him. In my early days I also loved the work of painters like Danny Fox, who to me is still the best in this current trend of naïve figurative painting – a style so many young artists fall into today.

There’s also a major living artist who has inspired me from the beginning: Richard Prince. The diversity and singularity of his work, which at times feels like it was made by different artists, has always fascinated and even reassured me in my own practice. And his humor and sharpness – as if he’s living proof that you can have a coherent career while experimenting with multiple avenues, mediums, and ideas. And, like me, he is a lover and collector of books and writings.

Others just as singular, like Mike Kelley, Paul McCarthy, and David Hammons, inspire me enormously.

And pictorially today, the work of artists like Sterling Ruby, Joe Bradley, Chris Martin, or younger artists like Reginald Sylvester II or Daisy Parris, and sculptors like Huma Bhabha and Thomas Houseago, feel particularly relevant. But honestly, it’s hard to make an exhaustive list. There are so many artists I find interesting, and it changes depending on the period of my life. When an artist fascinates me, I try to understand everything about their work. I buy lots of books about them, not only image-heavy ones, but writings too, and I dive into them for weeks like an art student.

Do you listen to music when you paint? If so, what’s on repeat in your studio these days?

I listen to a ton of music when I work from many totally different styles – even though my background is more in rock and all its subgenres. And to be honest, I think it’s my first passion. When I was younger, my dream was to be a musician in a band and live a life of touring the world with my four or five best friends.

But to answer your question: right now in the studio I’ve been listening to the new Deftones album, or the latest Turnstile, in terms of heavier music, but also things like Oklou in contemporary pop, and Kelly Lee Owens in electronic music. I can also listen to classical music, and I’ve noticed I tend to start the day with calmer music or even podcasts, and things get more and more extreme as the evening approaches.

And finally – besides the exhibition with Wes – what projects do you have coming up?

So yes, at the end of November 2025 I have an exhibition with Wes Lang in France. After that, I’m showing two paintings at the Art Antwerp fair in Belgium with Galerie Hioco Delany, with whom I’ll also be doing a group show in May 2026. And I originally had a solo scheduled for February 2026 in Los Angeles, but it has been pushed to 2027.

Next year, in addition to the release of the rugs I mentioned earlier, I have two institutional exhibitions. The first is a solo show in a small museum in my region at the beginning of the summer, which I’m really happy about since I haven’t shown my work much where I actually live. The second is in September 2026 at the Moya Museum in the Netherlands, a duo show with my friend Bobeus.

Sounds great, can’t wait to see what the future holds for you.
Thank you so much for this beautiful conversation, Julien!

Malte Buelskaemper